Projet classé second lors de la procédure d’attribution du marché.
Reprise de la mission déclinée par Petra Pferdmenges et Nele Stragier, lauréates.
UN QUESTIONNEMENT
L’examen des données et des attendus de ce programme particulier n’a pas immédiatement conduit à initier la conception, les demandes ici nous ont d’abord renvoyés à un second questionnement, un questionnement fondamental.
Il s’agit avant tout de positionner la mission de l’architecte, de définir la place exacte à occuper par l’auteur du projet pour garantir un maximum de succès à l’entreprise.
Il s’agit de chercher une manière de fournir un cadre facilitant l’appropriation, l’interprétation. Sans démission sur le fond, sur le sens, en accompagnant la naissance d’une architecture interprétable qui accepte l’hybridation, qui la suggère, qui y incite.
Il s’agit également de questionner le cadre normatif pour mettre en avant une autre dynamique de production de l’habitat, car, bien que chaque norme ou règlement pris à part soit justifiable, leur somme rend impossible une évolution culturelle de la notion de logement.
Nous sommes convaincus qu’ici, le processus du projet doit structurer la démarche de conception.
L’objectif final est d’assurer une forme de réinsertion d’une série d’habitants et de familles, une espèce de sortie de l’ornière où ils se trouvent actuellement malmenés. Il importe que cette sortie soit vécue comme un changement voulu, valorisant, mais effectué sans renoncement, sans perte, sans attente ou contrainte excessive, avec un minimum de dégâts, d’essoufflement.
Le processus d’élaboration et de réalisation du projet doit donc s’appuyer sur cet objectif. Il faut minimiser les temps d’attentes, les décisions extérieures, le statut de passivité.
Les impliquer trop tard, c’est décider pour eux ; les impliquer trop tôt, c’est risquer l’essoufflement.
Des choix étaient à poser, sans quoi nous n’assumons pas le rôle qui semble nous revenir dans le processus : structurer, baliser, coordonner.
– Typologie pavillonnaire ou logements groupés
– Symbolique de l’habitat, culture de l’habité
– Qu’est ce qu’un petit logement ? ou place-t-on la dignité ?
– Quel découpage parcellaire ? quel système viaire ?
– Limites du privé, définition du communautaire, statut du public
Tout en laissant des zones de négociation, des poches de débats pour plus tard.
DES CHOIX FONDATEURS
Nous choisissons de réunir les logements (et les familles) par groupes de 2, très vite confortés à l’idée qu’aucune des valeurs contenues dans le pavillonnaire ne se perd dans cette formule : diversité des vues et des orientations, grand développement d’espaces extérieurs… Et par ailleurs, nous améliorons la compacité, nous simplifions les infrastructures, nous rationalisons l’enveloppe : différents éléments qui vont concourir …
Ceci fixé, nous décidons de ne jamais empiler deux logements. Culturellement, il nous apparaît évident que ces habitants ne peuvent aucunement être amenés à vivre « au dessus » ou « au dessous » de quelqu’un d’autre.
Dans le même ordre d’idées, nous proscrivons le mitoyen « sandwich » où un logement entre deux autres ne possède qu’une face « avant » et une « arrière ».
Nous maintenons le chemin
Et ce pour une série de raisons :
D’abord, cette infrastructure existe, techniquement valable. Elle a un coût ; sa suppression pour la recréer ailleurs en a un autre. Pragmatiquement, c’est une économie non négligeable.
Ensuite, elle est actuellement utile et utilisée.
Enfin, une table rase créerait un handicap supplémentaire à l’intégration d’un groupe humain identifié comme « marginal » alors vécu d’avantage comme « artificiellement implanté ».
Nous créditons la valeur positive de l’escalier montant à l’étage
Outre une compacité accrue et une répartition optimale d’un chauffage par foyer central, nous sommes convaincus que ce type de dispositif maximalise pour chacun le sentiment d’habiter une maison, aide à trouver ou retrouver une dignité dans l’action d’habiter. Nous croyons en une série de mécanismes, d’éléments porteurs de ces valeurs d’habitabilité : entrée, fluidité, ouvertures et hiérarchies des espaces, changement de niveaux… Ainsi, la présence d’un escalier est de nature à amplifier l’expérience de l’espace. Nous proposons de généraliser l’organisation en duplex.
Nous établissons des pistes possibles pour l’autoproduction, le réemploi
Le choix d’un système constructif adéquat nous apparaît comme essentiel dans la réussite d’une opération risquée, tant durant son élaboration (maîtrise du budget) que dans son déroulement (participation, vitesse et fluidité du phasage…) et dans son utilisation (flexibilité, appropriation)
En parallèle à cette réflexion théorique, nous recensons les énergies et forces vives de la région.
Construire en ossature bois va assez rapidement se révéler être une formule optimale par rapport à de très nombreuses données à prendre en compte. (Lire plus bas)
Nous posons des choix entre « questionnement programmatique » et « mise en espace des usages »
Nous créditons, en le pérennisant, un mode de vie proche de la nature et des saisons : Habiter compact, un peu serré, confortablement (notion de cocon pour l’hiver) ; se dilater au dehors (notion de plein air l’été).
Toute la vie, son matériel, son équipement, ne doivent pas rentrer dans l’enveloppe fermée : notion d’abri-rangement extérieur. Une toiture couvrira un espace qui abrite à la fois l’enveloppe fermée et les autres « dimensions » de la vie.
Nous identifions ainsi que l’espace habitable doit donc se constituer autour cette définition d’un mode d’habiter où rien n’est abandonné des avantages de la situation précédente.
Nous identifions les différents paramètres en lien avec cette « situation précédente » en zone HP :
Bien sûr les éléments qui font la qualité de ce mode de vie : le bol d’air, le calme, les oiseaux et les arbres… La solidarité… La conscience d’inventer un nouvel habitat social.
Mais aussi les autres composantes programmatiques et normatives de la question posée, jusqu’à la question de la salubrité d’un logement.
Nous prenons position sur un point que nous identifions comme un « plus ». Le droit pour chaque individu dans une cellule familiale de pouvoir se retrancher, s’isoler dans un espace à soi, nous apparaît comme une nécessité ; nous refuserons les formulations où tout est mis en commun, toujours…
Et sur ces bases, nous prenons le risque d’une première proposition.
En effet, nous estimons alors disposer d’un bagage suffisant pour entamer le voyage, il y a suffisamment d’aliments pour nourrir un premier jet de conception. Nous voulons faire une proposition d’architecture, mais aussi une proposition de processus, l’une comme l’autre devant s’affiner dans un débat.
Jean-Philippe Possoz
Benjamin Stainier
Bernard Jérôme
Alain Richard
Les Echos du Logement 01/15