Août-septembre 2014

Dans les écoles d’architecture, à la saison des jurys de fin d’année, titulaires de classes et architectes invités se retrouvent pour découvrir et apprécier, par-delà les résolutions spatiales aux questions posées, les postures, les attitudes prises par les étudiants. Il est aujourd’hui de bon ton de moins communiquer un savoir qu’un savoir-faire, et moins un savoir-faire qu’un savoir se comporter. Quel comportement prôner ? Quelle attitude donc ?

Assembler correctement (et magnifiquement) des volumes sous la lumière ?
Bref, pratiquer l’architecture comme un champ d’action dont le proposest incontestable et immuable depuis Vitruve. Cependant, au dire de beaucoup de praticiens et d’enseignants, la pratique de l’architecture semble avoir entamé une mutation plus ou moins tangible.
Désormais, à quoi doit donc penser un architecte ; vers quoi doit-il tourner son énergie ?

Être au service de tous ?
La Maison doit plaire à tout le monde, disait Adolf Loos en 1910, c’est ce qui la distingue de l’œuvre d’art, qui n’est obligée de plaire à personne. La maison répond à un besoin, disait-il encore, l’artiste n’est responsable envers personne ; l’architecte est responsable envers tout le monde. Mais responsable de quoi ? En outre, je ne suis pas sûr qu’en son temps, la maison Müller plût à tout le monde.

Produire des images ?
Le star system en architecture est officiellement décrié par une large majorité des acteurs impliqués. Il s’agit sans doute dorénavant de dessiner moins et de réfléchir plus, d’être moins « dans la forme » et de bannir le geste ostentatoire que par ailleurs tout pousse à entretenir et valoriser. Car depuis les jurys d’école jusqu’aux présentations publiques de projets et à l’attribution des missions par concours, l’image ronflante garde le vent en poupe.

Être dans le contexte ?
Faisant feu sur cette production d’images avec une pertinence inégalée, certains acteurs (comme l’admirable revue Criticat) cherchent à nous aider à garder ce cap. L’honnête question serait en fait : quelle est l’attitude qui doit dicter la mise en forme ? Pour autant, bien sûr, que l’on continue à croire que le propos de l’architecture soit de donner forme au lieu souhaité par le maître de l’ouvrage.

Obéir ?
On peut en effet s’en tenir à pendre en compte toutes les demandes, toutes les normes, toutes les règles : la forme en résultera. Certes, le standard passif conforme à la prévention incendie, soucieux d’accessibilité et respectueux du patrimoine ne fait pas bander à tous les coups, mais ce n’est peut-être pas le but de l’architecture.

Désobéir ?
« Si tu veux suivre la première règle de l’architecture, brise la » déclare Bernard Tschumi, tout comme Renzo Piano qui prône « la désobéissance de l’architecte » ou, à l’autre bout de la table, Patrick Bouchain qui, fort méritoirement, cherche à « dénormer » le logement.

Ne plus dessiner du tout ?
Ou du moins, le faire croire… Chez Actes Sud, la collection l’Impensé s’est fait une spécialité de la photographie de lieux non architecturés montrés comme les dépositaires d’une capacité maximale d’échange culturel : le potentiel du brolesque à favoriser l’appropriation.

La tentation est grande, là aussi, mais il importe toutefois de rester vigilant : la dernière fois que les architectes ont voulu se mêler de tout sauf d’architecture, c’était en 68, au joli mois de mai.

C’est pourquoi je garde toujours à portée de main une latte et un crayon pour le cas où il me semblerait utile de dessiner ou de tracer. (Pour le cas où Louis I. Khan aurait lui aussi un peu raison.)