Décembre 2014 – janvier 2015

Il y a un an lors de la conférence The Future of Confort ! (Oslo Architecture Triennale, 20 septembre 2013), Kjetil Rolness a introduit le sujet par quelques considérations sur les paradoxes liés à la notion de confort. Il a notamment cité l’avant-propos de l’ouvrage « Home, A Shot History of an Idea » de Witold Rybczynski, qui déclare que, pendant ses six années d’études en architecture, le thème du confort ne fut abordé qu’une seule et unique fois, et encore, dans un cours de climatisation et chauffage où un graphique montrait la « zone de confort » … Rybczynski conclut : « Apparemment, c’était là tout ce que nous avions besoin de savoir sur la question. Il s’agissait d’une omission surprenante dans le cadre d’un programme pourtant rigoureux ; on aurait pu penser, en effet, que la notion de confort était aussi primordiale pour notre formation d’architecte que celle de justice en droit ou de santé en médecine. »

Ce  constat m’a interpellé et je me suis procuré l’ouvrage.

Sans ramener l’intérêt du livre au contenu de son avant-propos, je n’affirmerai pas que sa lecture m’ait complètement conquis. Peut-être avant tout parce qu’il se donne l’impossible tâche de définir le confort, mot qui n’a pris qu’autour du XVIIIe siècle le sens de bien-être physique et de satisfaction. Sur cet aspect, le mérite principal de l’ouvrage de Rybczynski est d’identifier que la naissance d’un mot pour exprimer une idée est liée à l’apparition de cette idée dans la conscience. Tant que la notion de bien-être a pu découler de conditions naturelles d’existence, il n’était pas nécessaire d’identifier le concept de confort…

C’est comme si le besoin de définir la notion de confort était un jour apparue, au beau milieu du développement de l’espèce humaine ; une sorte de prise de conscience. Car, alors qu’à travers nos yeux, un animal semble, de manière naturelle, se coucher « confortablement », Rybczynski affirme avec malice qu’avant que le siège ne devienne confortable, il a fallu qu’on souhaite être assis confortablement.

Si c’est le niveau de conscience de l’homme qui le responsabilise, c’est probablement son besoin de culture qui lui crée les problèmes dont le dispensait la vie « naturelle ».

Rybczynski rappelle que tout ce qui relève de la culture n’est que pur artifice, la cuisine comme la musique, l’ameublement comme la peinture. S’assoir est artificiel : pourquoi s’assoir sur un siège lorsque l’on peut s’assoir sur ses talons ? C’est parce que tous ces artifices rendent la vie plus riche, plus intéressante et plus agréable, conclut-il sincèrement et louablement. En y réfléchissant bien, cela fait pourtant froid dans le dos : en fait, notre capacité d’échange culturel devrait nous conduire à plus de discernement, moins d’aveuglement.

A la fin de son ouvrage, Rybczynski en arrive à considérer que la définition scientifique du confort pourrait être « ce qui subsiste dès l’instant où l’on a supprimé toute gêne ». Cette définition peut sembler aussi totalitaire que la quête de la liberté absolue.

Facteur identifié lorsque l’homme eut pris conscience de son utilité, le confort n’est sans doute pas une valeur absolue, et il y a fort à parier que sa poursuite effrénée (ou du moins la poursuite effrénée de ce que nous croyons qu’il doit être) est l’une des causes des déséquilibres actuels de notre monde.

C’est pourquoi, lors de la Triennale d’Architecture d’Oslo, les responsables ont-ils souhaité se pencher sur le futur du confort… Où nous entraîneront nos délires ?

Architectes responsables des budgets, des délais, de l’étanchéité, de l’intégration au contexte, de la sécurité, de l’usure et du vieillissement, des structures et des équipements, responsables du devenir de la planète, nous sommes aussi responsables du confort.

Voilà pourquoi il faut en parler dans les écoles, et surtout, surtout, tenter de le redéfinir.