Février-mars 2015

En supplément à son n°41 du 10 au 16 octobre, l’hebdomadaire le Vif –l’Express livrait un cahier Extra consacré au secteur Immobilier. Un tour de table y donne la parole aux acteurs. La rédaction s’est efforcée d’interroger un panel représentatif dudit secteur (promoteurs, constructeurs, instances publiques, fabricants,  organismes conseils, bureaux d’architectes). L’exercice est honorable et les intervenants s’en sortent correctement pour autant que l’on veuille bien considérer les spécificités de leurs rôles respectifs. La présente chronique ne se veut d’ailleurs une attaque d’aucun de ces intervenants.

Ce qui est amusant, c’est de comparer leurs points de vue sur l’avenir, surtout si l’on en fait un résumé pour le mettre en relation avec l’imparable article de Pieter T’Jonck publié dans A+240 « Crise dans l’architecture des temps de crise »…

« Profession de loups » avait surenchéri un lecteur anonyme dans A+243, s’appuyant sur le texte précédant pour exprimer son désarroi sinon son dégout (de pratiquer l’architecture en tant qu’auteur de projets, je suppose).

A ce propos, les écoles d’architecture rappellent que le diplôme ouvre à un très large éventail de fonctions et qu’elles n’obligent aucun diplômé à mourir de faim. Pourtant, elles dispensent peu de conseil en gestion du temps, en organisation et répartition des énergies, pas du tout en économie (Rybczynski n’a jamais entendu parler de confort, moi on ne m’a jamais parlé de budget…) et elles s’obstinent dans le même temps à former chacun comme si chacun devait devenir Jean Nouvel.

Mais ma chronique ne vise pas non plus spécifiquement  les écoles.

En fait, qui sont les loups ? S’en trouvaient-t-ils l’un ou l’autre, cachés parmi les invités du Vif ? Pas de décideur politique dans ce panel : les mandataires sont-ils absents du secteur ? Ils sont pourtant à l’initiative de la plupart des procédures d’attribution, celles-là qui cherchent « l’offre économiquement la plus avantageuse » dont le lecteur anonyme fait mention.

Pour chercher à aider ce lecteur, ma chronique tente de parler de partenariat : force est de constater que beaucoup d’avis de marché ne sont pas des appels à partenaires mais des appels à mercenaires.

A ce stade de mon discours, il est important de considérer que le terme « architecte » est employé indistinctement pour désigner celui qui est diplômé, quel que soit  son « emploi » ou  sa « profession », et celui qui spécifiquement  joue le rôle d’être « l’auteur du projet » dans le partenariat qui devrait s’installer pour mener à bien l’aventure.

La quasi-totalité des pouvoirs publics emploient des architectes, c’est aussi le cas des producteurs de matériaux et des constructeurs. L’architecture peut-elle rassembler, là où les intérêts particuliers conduisent à ce que tout diverge ?

Le partenariat public privé porte ses limites dans son nom. Un partenariat sera toujours bancal, fragile, limité, dès lors que l’intérêt d’unir ses forces et ses compétences, mais aussi ses faiblesses et ses attentes n’en est pas l’élément fondateur. Car former un partenariat, c’est avant tout être convaincu que l’aventure sera plus riche en faisant avec les faiblesses de l’autre, du partenaire qu’on embarque. Pour devenir partenaire, il faut qu’un acteur dépasse sa logique propre pour prendre sur soi des contraintes qui ne sont pas les siennes.

L’article de Pieter T’Jonck le dénonce à l’envi : l’auteur du projet est fort souvent le moins habile des partenaires à éviter la surcharge et il se voit contraint de prendre sur lui plus qu’il ne peut en porter. C’est dû au poste qu’il occupe dans l’équipée, c’est du à ce qu’il a retenu de l’enseignement qu’on lui a prodigué…

Faut-il pleurer ? Faut-il pester avec le lecteur anonyme et sa répartition des petits, des moyens et des grands ? Pas sûr… Du reste cette répartition me dérange : le problème n’est pas là. Solution ? Pas sûr que j’en aie en stock pour l’instant…

Piste 1 : Rendre incontournable le besoin d’un projet fédéré autour d’un devenir meilleur issu de la recherche, de la démarche et de la conviction de son auteur qui ainsi retrouve une place centrale, indépendamment de sa taille.

Piste 2 : Lâcher prise et offrir à nos partenaires une petite chanson.

Tu verras bien qu’un beau matin fatigué
J’irai m’asseoir sur le trottoir d’à côté
Tu verras bien qu’il n’y aura pas que moi
Assis par terre comm’ça