La marge de l’architecte
Un film d’André Dartevelle – ©RTBF – 2000
Un film d’André Dartevelle – ©RTBF – 2000
Texte ©RTBF
Emission réalisée en 2000. « Oeuvres en chantier » nous propose une balade en Hesbaye liégeoise avec l’architecte Alain Richard. Diplômé de St Luc à Liège en 1982, il exerce ses talents dans les domaines aussi variés que la réhabilitation du patrimoine rural, la réalisation de logements, de commerces ou de bâtiments publics.
Ce natif de Wihogne a fait de nombreuses publications, il a contribué à la restauration de la Halle aux viandes de Liège, il a participé à la conception du Musée des Arts Contemporains du Grand Hornu. Il enseigne à l’Institut Supérieur d’Architecture Saint Luc de Liège et dirige un atelier d’architecture. Dans ses maisons construites à Wihogne, Alain Richard réunifie les lieux de séjour en un seul grand volume éclairé de toutes parts par des baies et des saignées lumineuses. L’espace ouvert et accueillant peut se diviser grâce à un jeu de cloisons mobiles et coulissantes. Ainsi, au détour d’un couloir d’école garni de manteaux d’enfants, deux murs se mettent en mouvement silencieusement. L’un d’eux ferme et isole le couloir des bruits et des cris. L’autre en glissant, découvre un plan de travail et une bibliothèque où quelques gosses s’installent studieusement pour lire. Ailleurs, c’est une porte qui s’efface au profit d’un placard. L’espace construit s’anime, se dilate ou se rétrécit grâce à une mise en scène astucieuse et pleine d’humour. Dans ses intérieurs, Alain Richard réussit à équilibrer savamment les ombres et les lumières. Des baies immenses – jusqu’au plafond – permettent un échange total entre l’intérieur et l’extérieur. D’autres baies rectangulaires et étirées permettent de capter des paysages précis, les fins de journée et les couchers de soleil à l’horizon des fermes voisines. Le mariage des matériaux anciens et modernes, bois, briques, béton, acier, entraîne un alliage savoureux de formes modernes et de formes anciennes. Ses compositions se veulent respectueuses du passé rural, même si elles font la différence. Il y a volonté de dialogue et respect du territoire. Ses maisons s’implantent en cherchant à s’orienter vers les constructions voisines, pour entrer en résonance avec elles. Dès lors, Alain Richard ne décolère pas contre le gaspillage du territoire et le gâchis paysager que constituent la plupart des lotissements modernes. Des maisons construites le long des routes et alignées au cordeau, comme un mauvais décor. Il compare le village à une table de déjeuner : les tasses sont des maisons disposées ça et là et les éléments majeurs que sont la cafetière, un sucrier, un plat seraient une église, la maison communale, un commerce. Mais si on ne laisse que les tasses, il ne reste qu’un lotissement, triste et monotone… Pour lui, même s’il faut concevoir dans l’urgence, la poésie est plus importante que les affaires. Et trop souvent, l’architecture est réduite au fonctionnel, à l’économique et la création est repoussée dans la marge.